Et ce n'est que le silence qui répond à tes interrogations, un silence toujours aussi angoissant alors que face à toi se dresse le tronc majestueux d'un noisetier, effrayant alors que dans son écorce semble se mouvoir un visage à l'agonie, bouche béante, comme si il voulait hurler sans pour autant le pouvoir, comme prisonnier de l'arbre centenaire, pour toujours et à jamais.

Et dans ce terrible silence tes interrogations se perdent alors que tu n'obtiens aucune réponse, pire encore tu peux sentir la pression de ces yeux invisibles s'amplifier, comme si par tes mots tu avais courroucé cette présence qui te glace le sang. Effrayé, tellement que sur le coup tu n'entends pas le léger bruissement à tes pieds, qu'il te faut quelques instants avant de sentir que quelque chose enlace ta cheville et alors que tu baisses les yeux pour regarder malgré la terreur, ce sont des racines que tu vois se glisser le long de tes jambes, animées et comme vivantes alors qu'elles s'enroulent autour de tes chevilles, les enserrant avec une force digne d'un Anaconda alors que tu te retrouves brutalement tiré vers l'arrière, ton corps basculant en avant de tout son long, face contre terre.

Ta dernière heure est-elle arrivée ? Vas-tu mourir comme ça, seul et terrorisé au fond de ces bois qui t'avais pourtant tant donné ?

- ASSEZ !

Voix masculine qui retentit de toute sa puissance alors qu'elle tonne en multitude d'échos brisant le silence. Une injonction formulée avec force et conviction et dans sa suite tu peux sentir la pression s'envoler de tes chevilles alors que le nez encore dans la terre tu distingues une silhouette masculine, cheveux bruns, une trentaine d'année, peut-être un mètre quatre-vingt, vêtu de rangers et d'un jean avec une veste kaki. Tout d'un coup le chant des oiseaux retentit à nouveau alors que c'est comme si les milliers d'yeux s'étaient envolés d'un coup, comme si tout ça n'avait été qu'un rêve cruel, de ces songes qui nous terrorisent et nous réveille dans la nuit.
Alors que tu reprends tes esprits, tu peux voir qu'il a sa main posé sur le tronc auquel tu faisais face, du visage monstrueux dans l'écorce ne reste que de faibles traits vaguement humains. Lentement il enlève sa main de l'écorce rugueuse, l'enveloppant dans un mouchoir se teintant de carmin, dans son autre main une serpe d'où tombent des goutes de sang. Lentement il s'avance vers toi, s'accroupissant à ton niveau, va-t-il te tuer ? Va-t-il t'égorger d'un coup net et sans sommation ? T'as-t-il sauvé pour mieux t'achever ?
Mais tu es bien vivant Malo alors que sa voix retentit à nouveau, bien plus douce, une simple question alors qu'il te fixe de ses yeux d'un noir corbeau.

- Tu vas bien ?

Les yeux noirs te fixent et tu peux discerner une réelle inquiétude alors que tu lui réponds finalement. Autour de toi la forêt semble avoir retrouvé toute sa vie et l'aube meurt doucement pour laisser le jour prendre sa suite.
Il te fixe longuement alors que ta question le fait arquer un sourcil surpris, son regard te scrutant pendant de longues secondes, jusqu'à se poser sur le sel répandu au sol. De sa main ensanglantée entourée du mouchoir de tissu il essuie finalement sa serpe qu'il vient accrocher à sa ceinture, en observant son mouvement tu peux voir que plusieurs petites bourses sont également suspendues à cette dernière. Sa voix retentit enfin, calme et neutre.

- En effet.

Son regard se lève vers la cime des arbres environnantes, comme s'il réfléchissait avant de reprendre la parole.

- Je répondrai dans la mesure du possible à tes interrogations, mais pas ici.

Et sur ces mots il se détourne et commence à s'enfoncer dans la forêt sans attendre de réponse de ta part, le choix de le suivre te reviens.
En examinant plus attentivement le sol autour de l'arbre tu peux remarquer une sorte de poudre noire formant un cercle de part et d'autre du tronc, sur ce dernier trône une trace de sang à l'endroit où il avait posé sa main.